Une importante découverte pour l’histoire de la musique au XIVème siècle :

Ma présentation se rapporte à une découverte que j’ai faite au mois d’octobre 2011 d’une nouvelle source de musique polyphonique du XIVème siècle en France.

J’ai découvert un fragment se trouvant dans un manuscrit français du XVème siècle, ce fragment lui est du début XIVème et contient une concordance du roman médiéval bien connu qui est le « Roman de Fauvel » et contient aussi une pièce qui commence de cette manière « Fa fa mi fa… est fatuum ». Cette pièce nous est connue par un célèbre manuscrit du monastère cistercien de Las Huelgas en Espagne. Le cas de la pièce « Fa fa mi fa… » est particulièrement intéressante car cette pièce dans le manuscrit de Las Huelgas est incomplète et est considérée comme un unicum.

 

Le manuscrit 1949 de la bibliothèque municipale de Troyes est un recueil de trois traités de théologie du XVème siècle provenant de la collection de Clairvaux. Comprenant : Baptiste Mantuani, Parthenice ; Robert Gaguin, carmen de Conceptu immaculato B. Virginis ; Anthonii Geraldini, Carmina sacra bucolica,

Ce manuscrit contient 111 folio avec comme dimension 210 x 140 mm.

Notice cgm :

« CGM Tome in-4° 2, p. 1-1010 ; Harmand », p 800
Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France. Départements. Série in-quarto — Tome II. Troyes. Fonds général (2)
1273-2427, 1-3, 1-4
In-quarto sur papier. (Recueil) – 1° Fratris Baptiste Mantuani, Carmelite theologi, Parthenice. – 2° Roberti Gaguini, Trinitarii, carmen de Conceptu immaculato B. Virginis. – 3° Anthonii Geraldini Carmina sacra bucolica. – Xve siècle.
Clairvaux (sans cote). Manuscrit de 112 feuillets, fort soigné, en caractères ronds.

Reliure de cuir fauve, estampé (filets, petits fers) ; chasses (en tête et en queue) ; tranchefiles brodées sur les coiffes (rose, vert)

http://ccfr.bnf.fr/portailccfr/jsp/index_view_direct_anonymous.jsp?record=eadcgm:EADC:D02B12063

  

Comme nous pouvons le constater le CGM ne mentionne pas qu'un trésor se cache dans les reliures. Les contres-plats contiennent un fragment en notation franconienne sur 5 lignes

Après avoir fait cette découverte, David Catalunya et moi sommes allés examiner cette source à la bibliothèque de Troyes et nous avons présenté nos recherches au MedRen 202 dont la reconstruction hypothétique qui suit, nous avons constaté que ce fragment est le reste d'un rotulus :

David Catalunya et Dominique Gatté, "Ars Nova Polyphony in Cistercian Monasteries: New Sources". Paper presented at the MED&REN Conference (Medieval and Renaissance Music International Conference). Nottingham (UK) 7-11 July 2012.

 

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Contre-Plat supérieur :

1ère pièce :

Super cathedram Moysi latitat / Presidentes in tronis seculi / Ruina

Et la voix ténor : Ruina

Cette pièce nous est connue par trois autres sources :

-F-Pn Fr 146 (Roman de Fauvel, début XIVème – France) ▪ DIAMM

-B-Br Ms 19606 (Rouleau du Roman de Fauvel, début XIVème – France) ▪ DIAMM

-F-CA Inc. B 165 (Fragment, XIV – France) ▪ DIAMM

Le Rouleau du Roman de Fauvel (B-Br Ms 19606) ne contient pas la 3ème voix Ruina Nous pouvons constater que la notation du Ruina est est la même dans les trois manuscrits.

F-PN Fr. 146, 1v

F-CA Inc B 165

  

2ème pièce

Il s'agit de la célèbre pièce de solmisation à deux voix qui nous est connue dans une version plus courte par le Codex Las Huelgas de Burgos :

Burgos, Monasterio de las Huelgas, Ms IX, fol. 154v

Voici l’édition du texte du fragment de Troyes, le texte en caractère rouge ne se trouve pas dans le Codex Las Huelgas, nous pouvons constater la longueur réelle de cette pièce… :

1ère voix (duplum)
Fa fa mi fa mi re mi ut mi sol re
mi ut fa fa fa re fa fa re ut re mi ut re mi. Est fatuum spernere quia musicalia, teste philosophia quam sancti tradidere constat deo placere alleluia facere cuncta que officia sine quis ______ ritualia utunctur brutalia hac sola non alia disnoscuntur gaudere en quare patet clare fa fa mi fa re (mi ut) [mi sol] (ut mi) re mi ut fa fa fa re fa fa re ut mi fa re ut re mi ut re mi deo organizare non ni vana gloria sed in data gracia se[…

2ème voix (Tenor)
ut re m[i ut re mi ut mi re fa mi sol f]a la sol ut fa fa et huius modi cetera voce vera resonare, vos, virgines caturcensis, moniales de aurate ad hec apte, quia nate, organizare curate venis omnibus extensis benedictum cui dare estis de ______ romane plane more phylomene cuius vene per amene vocis runpuntur cantando huic nos ipsas conparando deprecor organizate sol la sol ut re mi ut re mi ut mi re fa mi sol fa la sol ut fa fa vanam gloriam fugando vigilando ieunia….

 

La traduction qui suit a été faite par mes soins, elle peut nous permettre de débattre sur le sens du texte :

1ère voix (duplum)

C’est fou de mépriser ce qu’est la musique, il nous est témoin la philosophie que les saints ont transmis. Il faut faire plaisir à dieu en chantant alleluia, et touts les offices sans musique  sont propres aux animaux. On reconnait  que on peut jouir seulement avec elle, parce que elle se manifeste clairement.

Chantez en polyphonie à dieu, non pour la vanité de la gloire mais dans la grâce donnée, parce que faire lui revivre signifie régner avec lui.

 

2ème voix (Tenor)

Chantez à grande voix dans cette façon les autres choses, vous, vierges cloitrées (ou toponyme de Cahors « vierges de Cahors »), moniales d’or, vous êtes appropriées à ça, nées pour ça, chantez en polyphonie  avec soin, au maximum de toutes les  inspirations, le béni au quel vous êtes données […]

chantez comme le rossignol le matin, l’inspiration duquel s’ouvre au chant charmant ; nous disposons notre chant sur le sien, je vous prie de chanter en polyphonie

en fuyant la vanité, jeûnez en veillant, gardez votre règle [comme] un bien futur

 

J’ai laissé le soin à David Catalunya d’écrire un article sur l’importance de ma découverte et de son apport à la pratique de la solmisation :

David Catalunya, "Nuns, Polyphony, and a Liégeois Cantor. New Light on the Las Huelgas 'Solmization Song'", forthcoming in the Journal of the Alamire Foundation, 9/1 (April 2017)

 

Mais n’en restons pas là pour les concordances !

Peu de temps après avoir fait cette découverte Cristina Alís Raurich m’a annoncé qu’elle aussi avait découvert une concordance de fa fa mi fa dans un fragment d’un manuscrit de Karlsruhe et qui correspond à la fin du texte du manuscrit de Troyes :

Karlsruhe, Badische Landesbibliothek
Lichtenthal 82

Cristina Alís Raurich prépare en ce moment un article sur l’autre pièce ce trouvant dans de fragment Lichtenthal 82 et qui est une concordance au robertsbridge Codex :
Flos vernalis…

Le manuscrit 1949 de la bibliothèque municipale de Troyes n'a pas fini de faire parler de lui. En effet, à ce jour le fragment est encore collé aux contres-plats du manuscrit, avec la bibliothèque municipale de Troyes nous avons commencé les démarches afin de faire décoller ce fragment afin de voir ce qui s'y cache au dos.

La reliure étant d'origine, nous devons nous battre administrativement pour avoir cette autorisation...

 

 

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