Je viens récemment d'acheter le livre de Dom Jeannin "Études sur le rythme grégorien". Comme on le sait, Dom Jeannin était mensuraliste et a démontré le caractère faux et anti-historique des arguments musicaux de Dom Mocquereau. À la lecture de son livre, j'ai quelques interrogations sur les points suivants :

- Dom Jeannin est partisan (comme Solesmes) de la notion de temps premier indivisible : mais comment peut-on imaginer que ce temps premier puisse être doublé et non divisé ? Qui peut le plus peut le moins ?

-Dom Jeannin en accord avec les théoriciens médiévaux, parle des longues et des brèves mais pour lui sont longues uniquement les notes dotées d'un épisème horizontal. Finalement, il distribue les valeurs de notes de la même manière que Solesmes qui n'admet que la croche (isolée ou en composition) comme temps premier et la noire (qui correspond au point-mora ou a la fusion du pressus). Pour Dom Jeannin ni la virga, ni le tractulus ne désignent des notes longues et le punctum n'a pas chez lui de valeur diminuée. Mais alors deux questions se posent :

1°) Pourquoi user de 3 graphiques différentes(sinon pour représenter un son aigu pour la virga et un son plus grave pour le tractulus) dans les manuscrits : un trait long, un trait court et un point ? Voir pages 36-37 du livre.

2°) Pourquoi trouve t-on parfois le "c" de "celeriter" à coté de la virga d'un climacus. Si la virga (non épisémée bien sur) est par nature une note courte et donc rapide, et que le temps premier ne peut être divisé, pourquoi les notateurs demandaient-ils de chanter plus rapidement une note déjà courte ?

-Dom Jeannin réfute le fait que le "celeriter" signifie une accélération, mais ses explications ne sont pas très convaincantes.

D'ici quelques temps je publierai la numérisation de ce livre ici, afin que ceux qui ne l'ont pas lu puissent le faire et participer à échanger sur les questions que je me pose à la lecture du livre de Dom Jeannin.

You need to be a member of Musicologie Médiévale to add comments!

Join Musicologie Médiévale

Email me when people reply –

Replies

  • Bonjour Louis-Marie,

    je pense qu'une des principales limitations des théories mensuralistes du siècle dernier était de vouloir comprendre le rythme comme s'il était noté de façon absolument prescriptive, comme dans une partition moderne. Il y a toute une connaissance du rythme qui échappe à la notation.

    Si on parle de St Gall, dans la plupart des cas, une virga simple peut être brève mais aussi longue, ça dépendra toujours du contexte. Un celeriter à côté de la virga d'un climacus peut être bien utile pour rappeler que cette note là n'est pas longue comme elle le serait dans beaucoup de situations même sans qu'on y voit un épisème.

    Cela dit, je serais ravi d'avoir accès au livre de Dom Jeannin pour pouvoir en discuter plus.

     

    • Bonjour,

      Je réponds tardivement à votre commentaire du mois de Mai... Merci pour les précisions que vous apportez.

      D'accord sur le fait que la notation neumatique n'ai pas été voulu pour être aussi prescriptive que notre notation moderne.

      Pour ce qui est de la virga, qu'est-ce qui fait, quelle peut être soit une note courte soit une note longue (mis à part la présence d'un épisème bien sûr)? Qui parmi les théoriciens médiévaux le mentionne et dans quel texte?

      Dans une prochaine publication, je poste un scan du livre de Dom Jeannin (ce sera en deux parties).

    • J'ai passé quelques années à lire et relire des traités pour comprendre ces questions de rythme. On a souvent du mal à comprendre de quoi les théoriciens parlent. Il faut pas oublier que même Aribo n'était pas sûr à quoi Guido il faisait référence quand il a abordé ce sujet, et que Guido lui même laisse la question tomber au bout d'un moment à cause de la difficulté d'expliquer ça par écrit.

      À part ça, voici une hypothèse que je suis capable d'établir en ce moment, mais qui pourrait certainement changer selon l'état des recherches. Quand les théoriciens parlent de chanter "avec nombre", je ne crois pas qu'il faut comprendre par cela qu'il y a un "rythme urtext" à trouver dans la notation. C'est avant tout un principe, un savoir-faire propre au chantre qui se produit au moment du chant. Bien sûr, un certain nombre de notateurs ont créé des outils pour exprimer ces choses là, avec plus ou moins de réussite selon le cas. À ma connaissance, le support le plus claire pour lire ces indications de rythme sont les séquences de Notker, puisque le chant est noté en marge. Cela permet de rendre beaucoup plus objective la forme et la séparation des neumes, ce qui n'est pas possible quand on doit couper un neume en plusieurs signes pour indiquer le changement des syllabes. En fait, nous avons un problème similaire dans la notation mensurale du 13ème siècle. Pour la question de la virga, il suffit de voir que les neumes composés de sons longs ou brefs dans les marges sont exprimés de manière indifférente par des virgas et des points sur les paroles.

      Donc à mon avis, ce qui est plus important de comprendre, et cela peut nous amener souvent à des choix différents par rapport à la durée d'un son ou d'un autre, c'est le principe rythmique qui est derrière tout ça, qui vient de la tradition poétique. Augustin démontre très clairement comment une suite de syllabes divisées en pieds peut être organisée de manière harmonieuse, et dans le chant, c'est pareil.

This reply was deleted.