A la lecture comparative du tableau ci-dessous:
il apparait que la version GREG, est composée de trois parties: la première s'étend jusqu'à "in unum". L'architecture mélodique forme un arc SOL-SI bémol-FA, le bémol est traditionnel, tandis que la seconde partie, initiée par un saut de quinte pose l'architecture sur DO-SI bécarre. Enfin, la dernière partie, ""adverSUS CHRISTUM EJUS"en imitation de la première, brode autour de SOL, mais sans dépasser le LA.
La version de l'ANT Quoniam in te confidit, étudiée ici même, condense en peu de notes ces trois parties dans sa version ROM: Quoniam / in te confidit / anima mea, les premières et troisièmes parties assurant une symétrie presque parfaite, toutes deux utilisant le SI bémol...
Les versions ROM de l'Ant Astiterunt sont construites de manière similaire, la première partie se limite sur LA, mais anticipe la transition sur DO dès "convenerunt".
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Avant tout, il me semble intéressant de consulter la tradition germanique, à priori la plus sensible au phénomène d'attraction des cordes fortes.
L'antienne Astiterunt reges terrae
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Tableau synoptique:
Il est remarquable d'y constater, à l'intonation, les équivalences des formules:
et:
prouvant ainsi l'importance structurelle de la corde SI bémol, que celle-ci soit exprimée ou non. La présence du SI bémol est moins prégnante en finale, du fait de la proximité du si bécarre à "adversus". Cependant, les témoins de Klosterneuburg, favorables à une une psalmodie en 2ème mode (malgré la difficulté d'écriture, à "adversus Dominum et adversus"), en accord avec le ms de Quedlindburg, expriment en finale un pes en tierce mineure [RE-FA, donc SOL-SI bémol en transposition].
Notons, pour information, que ce phénomène se généralise en finale dans l'Antienne Dominum Deum tuum adorabis, à "servies".
Par ailleurs, nous constatons que la tradition appuie avec force la finale SOL-LA-LA-SOL et non LA-SI-LA-SOL. La tradition du Mont Renaud elle même témoigne de cette tradition avec une forte probabilité ainsi que l'attestent les Antiphonaires de St Denis (lat 17296) et de Worcester 160 qui lui sont affiliés.
Les parallèles entre les antiennes Quoniam in te confidit et Astiterunt reges me semblent surtout évidentes, si l'on considère Astiterunt dans sa forme actuelle dans les livres imprimés. Je crois que la subdivision de Astiterunt en trois parties va bien, mais consiste surtout en une première partie jusqu'à "in unum" et une deuxième partie qu'on peut subdiviser en "2a" et "2b". Comme vous savez, la première partie est archaïque, en modalité de ré (et donc si bémol), la deuxième partie est en modalité évoluée, de huitième mode, et constitue la deuxième moitié d'un timbre provenant du 6e mode, donc en modalité de do. Cela donne un ensemble assez curieux, une rupture qui se fait remarquer dans le chant. Comme l'antienne existe dans le répertoire milanais avec un texte plus court (et une mélodie différente), limité à la première partie, je pense que l'originel de cette antienne n'ait compris que la première partie, et que seulement plus tard (8e siècle?), l'on ait ajouté la deuxième partie, selon la modalité en vogue en ce moment-là. On peut constater le même processus avec d'autres antiennes, par ex. Redemptionem misit, présente dans ROM et MIL avec un texte qui va jusqu'à "populo suo"; et, uniquement dans ROM, Exortum est, qui termine avec "rectis corde", sans la partie ajoutée en GREG (les deux antiennes de ROM ont été fort bien remises en usage dans l'office romain actuel, aux vêpres du 3e et 4e dimanche de Pâques).
Pour la restitution de Astiterunt, les manuscrits les plus importants - à ma conviction, Hartker et Mont Renaud aussi - donnent la, si (Hartker la, si-la liq.) sur "Christum". Cela est tout à fait normal dans ce type de timbre: le même se présente dans presque tous les cas de ce type d'antienne. Sans doute, il s'agit ici d'un si bécarre, puisqu'il a valeur de mi, selon l'origine de la mélodie. Je ne crois pas que cela soit différent dans ROM, qui a reçu cette antienne de GREG et confirme le si-la de Hartker. Donc, dans ROM aussi, si bécarre. Les manuscrits plus tardifs ont éliminé le si, créant la forme actuelle de sol-la, la.
Cela signifie qu'il y a une profonde différence entre la troisième partie de Quoniam et de Astiterunt. Pour Quoniam, la conclusion fa, sol-la, la-sol, sol est parfaitement régulière dans le mode de D et sans doute primitive, dans Astiterunt il s'agit d'une forme tardive. Pour cela, je mettrais Quoniam - dans la version de fa-mi-re, restitution proposée qui me trouve parfaitement d'accord - plutôt entièrement en rapport avec la première partie de Astiterunt. Pour la conclusion de l'antienne primitive, limitée à cette partie, l'on pourrait supposer "la, la, sol, sol" ou, je crois mieux, "la, si bémol-la, sol, sol". Mais c'est purement hypothèse: je ne pense pas qu'on trouvera un jour un manuscrit GREG qui ait la forme primitive.
J'ajoute une observation sur la division du texte qui ne change rien au discours sur la mélodie: je suis convaincu que la virgule après "terrae" devrait être déplacée et mise après "principes", de sorte que "reges et principes" constituent le sujet aussi bien de "astiterunt" que de "convenerunt". Trois arguments:
1) "reges terrae" n'est pas du tout cadentiel, alors que "reges terrae et principes" va bien; cela est encore plus claire en ROM (un peu moins en MIL, mais là aussi pas impossible);
2) Hartker indique clairement une césure après "principes", non seulement par l'épisème, mais surtout en ajoutant un "x";
3) ce verset est cité dans Actes 4,26, tandis que, dans le verset suivant, Herode (rex) et Pilate (princeps) sont les sujets de "convenerunt". Si dans le verset 27, alors dans le verset 26 aussi.
Je pense que l'antienne au moment de sa naissance était lue ainsi: «les rois et les princes se sont soulevés, ils se sont réunies». L'antienne est peut-être plus en rapport avec les Actes qu'avec le psaume 2.