Séminaire « Les chantres au lutrin »
L'unité liturgique du groupe 'Laon-Reims-Meaux-Soissons' au XIIe siècle
1163 : renouveau « gothique » ou traditions alto-médiévales ?
Quand Eudes de Sully pose la première pierre de Notre-Dame de Paris, d'autres chantiers marquent dans la seconde moitié du XIIe siècle, un mouvement de renouveau architectural, commandé par de puissants chapitres cathédraux, que les historiens d'art du XXe s. qualifieront de « premier art gothique ». Notamment celui d'une grande cathédrale, disparue, disons reconstruite après 1211, la cathédrale de l'archevêque de Reims Samson de Mauvoisin. D'après les travaux d'Alain Villes, il s'agit d'un grand édifice qui, dans l'histoire des cathédrales gothiques, pose un jalon important entre la basilique de Saint-Denis de Suger et les grands chantiers qui ont vu le jour entre 1160 et 1200 : Noyon, Soissons, Laon, Arras, Cambrai, Notre-Dame en Vaux de Châlons, le choeur de Saint-Remi de Reims, etc.
Les apports de l'Ordo Remensis
L'ordinaire de Reims édité en 1900 par Ulysse Chevalier, conservé à la British Library est un des premiers du genre à définir les pratiques liturgiques d'une cathédrale, métropolitaine de surcroît, bien antérieur à celui de Laon ou d'Amiens (1297). Sa datation correspondrait avec le nouveau chantier de la cathédrale de Samson. S'ouvrent alors des perspectives interdisciplinaires entre l'histoire de l'art, la liturgie et la musicologie : comment s'articulent les parti-pris architecturaux avec les pratiques liturgiques ?
Héritiers d'une modélisation trop évidente entre l'organum du Magnus liber de Paris et l'art gothique très souvent considéré dans sa phase classique du XIIIe s., voici l'occasion pour les musicologues de renouveler une méthodologie comparative en scrutant les usages, qui peuvent à la fois introduire des innovations (apparition du lutrin en milieu de nef), mais aussi perpétuer des pratiques alto-médiévales (liturgies autour de la tour-porche, tropes, versets d'offertoires ou pièces de tradition pré-grégorienne), renvoyant ainsi à des caractéristiques architecturales qui ont parfois procédé aux mêmes principes (tour lanterne d'influence normande de Laon, plan à croisillons arrondis de Soissons et Noyon, etc.) et résistent à nos classifications typologiques devenues très artificielles.
Un corpus concordant
Les quatre cathédrales citées en titre offrent d'après l'analyse de détail de leurs formulaires pour les grandes fêtes (Noël en l'occurrence) une unité indiscutable, les différenciant d'autres ensembles de la France du Nord : Sens-Paris-Saint-Denis-Noyon ; Amiens-Beauvais ; Arras-Cambrai ; Chartres ; Rouen ; Tours... Nous pourrons donc parcourir les particularités des usages, déjà soulignés par Chevalier il y a plus de cent ans (célébration des laudes au palais épiscopal, processions autour de la tour-porche, alternance des choeurs entre côté gauche et côté droit, prosules et tropes, mentions d'organum et de polyphonie), qui méritent d'être replacés dans une perspective historique plus critique et pluri-disciplinaire...
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