Leschiquier d'un orgue d'Aragon

Une pièce du puzzle de "l'eschiquier"

Il est fait référence au début du XIVème siècle dans un livre de la Maison Royale d’Angleterre d'un eschiquier qui serait un instrument de musique et comme le dit David Catalunya dans le livret du dernier cd de Tasto solo : "Le chant de Leschiquier" cet instrument est connu à travers la France et l'Aragon. Cependant il pourrait plutôt s'agir d'un instrument à cordes.

J'ai découvert ce matin en feuilletant un livre de prière d'Alphonse V d'Aragon cette représentation d'un orgue ayant ses touches semblables à un échiquier :

London, British Library, Add Ms 28962, fol 281v

Ce clavier tricolore est très semblable à l'échiquier de Venise (?) que Tasto solo à utilisé pour la pochette de sont dernier cd.

LE CHANT DE LESCHIQUIER, Tasto solo

Il est important de noté aussi que les autres représentations d'instruments de musique sont très réalistes.

BL, Add MS 28962, 82r

BL, Add MS 28962, 346v

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Replies

  • Je vous accorde que le mot «définitif», qui me semblait convenir dans le cadre de ce blog, était un peu excessif. Je pense néanmoins que mon article a pour le moment un caractère, disons, «provisoirement définitif» en ce que, malgré plusieurs articles écrits depuis lors sur la question, personne n'a présenté aucune autre proposition plus crédible, ni réfuté mes arguments. Vous montrez que ceux-ci ne sont pas définitifs: je vous l'accorde.

    Le seul argument qui me semble ne pas tenir, c'est celui selon lequel l'échiquier serait un «autre» instrument, un instrument aujourd'hui oublié, par exemple un «clavicorde à queue», ou un «clavicorde vertical», alors que ces hypothèses-là ont été proposées, même après mon article d'il y a trente ans. On ne peut pas sérieusement prétendre non plus qu'«échiquier» ait été un terme générique pour tous les instruments à clavier à cordes (comme le fait dans une certaine mesure Christopher Page), pour la raison simple que dans la seconde moitié du XIVe siècle il n'existait, que l'on sache, pas tellement d'instruments de ce genre.

    Il y a deux problèmes distincts:

    1) L'instrument, quel qu'il soit, a-t-il été appelé «échiquier» par analogie avec la table à compter, ou avec la table à jouer? Il s'agit de toute manière, dans les deux cas, d'une analogie. Un de mes arguments répondait à Christopher Page selon qui la table à jouer était tellement plus commune que la table à compter. Ce n'est certainement pas vrai à la fin du moyen âge, où presque chaque taverne, chaque épicerie, utilisait un dispositif du type de la table à compter pour ses additions. Les images d'utilisateurs de tables à jouer montrent le plus souvent deux joueurs face à face; je n'ai presque jamais vu jouer d'un instrument à clavier de cette manière, et je n'ai pas vu de représentations anciennes du jeu d'échec qui fasse songer au jeu d'un instrument de musique. Toutes les représentations du jeu que je connaisse montrent un quadrillage, plutôt que des lignes parallèles comme sur la plupart des représentations de tables à compter.

    2) Quel était cet instrument à l'origine? Il s'agissait à peu près certainement d'un instrument à clavier à cordes. Les possibilités ne sont pas très nombreuses: à cordes frappées par des tangentes, à cordes pincées, ou à cordes frappées par des marteaux. Je pense qu'on peut éliminer cette troisième possibilité: le dulce melos d'Arnaut ne semble pas avoir été répandu. Il reste donc le clavicorde, ou le virginal/clavecin. Le premier est documenté dès la fin du XIVe siècle, le second environ 50 ans plus tard.

    À cela s'ajoute que l'instrument était probablement rectangulaire, parce que c'est le cas aussi bien de la table à compter que de celle à jouer. Mais l'instrument à cordes pincées, qui diffère du clavicorde du XVe siècle parce que ses cordes sont de longueurs différentes, est normalement et d'abord en forme d'aile, comme le montre abondamment l'iconographie.

    L'exemple de clavier abaque de Mersenne que vous montrez ci-dessus indique sur chacune des touches la longueur de corde correspondant à la note. Il s'agit des longueurs de corde d'un monocorde: il y a donc nécessairement un lien un peu plus qu'analogique avec cet instrument qui est lui-même à l'origine du clavicorde.

    Bref, mon utilisation un peu ironique du mot «définitif» était en effet malvenue. Je ne pense pas pour autant que mon article soit «la honte de la musicologie». Je pense d'ailleurs que vous n'auriez pas utilisé de telles expressions ailleurs qu'ici, parce qu'ici nous pouvons nous exprimer de manière un peu informelle. Accordez-moi donc cette même liberté et convenons que je n'aurais pas écrit «définitif» dans un autre contexte.

    Pouvons-nous donc oublier cet aspect et revenir au fond de la question? Je pense que mon article peut être réfuté, d'autant plus facilement qu'il ne prétend pas conclure par une certitude, mais seulement par une bonne probabilité. Pour le réfuter, cependant, il faudrait pouvoir disposer d'éléments nouveaux; mais ceux-ci, jusqu'ici, ne semblent pas disponibles.

  • Une analogie n'est pas une corrélation. Le ciel est bleu, la mer est bleue, le ciel est-il fait d'eau ?

    Un nombre considérable d'illustrations de toutes sortes montrent des personnages dans cette posture, et ils sont tous occupés à diverses activités : écrire, coudre, ou même – paradoxalement – jouer aux échecs. En outre, une gravure du XVIe siècle n'est pas idéale pour expliquer a posteriori un concept du XIVe siècle.

     

    9126825284?profile=originalParis, Bibliothèque Nationale de France, Manuscrit Français 790, f. 125.

     

    Pour ce qui est de Mersenne, votre affirmation n'est pas exacte. Comme le montrent nombre de dictionnaires de l’époque, « abacus » peut désigner plusieurs choses très différentes, parmi lesquelles le jeu d'échecs, et aucun élément concret ne permet de pencher vers une signification plutôt qu'une autre. Votre assertion « il se référait plus probablement au sens premier du mot, qui dénote un dispositif de calcul et de démonstrations mathématiques » n'a d’autre fondement que votre intime conviction. C’est très différent d’une vérité.

    Par ailleurs, à simple titre illustratif, voici un exemple d'« abacus » selon Mersenne :

    9126825852?profile=original

    Marin Mersenne, Minimi cogitata physico mathematica, Paris, Bertier, 1644, f. 341.

     

    D'autre part, votre Pythagore (dont « l'air perdu » n'est que la représentation que vous vous en faites) n'est pas assis devant un « boulier compteur » mais devant un échiquier, comme le montre clairement la pile de jetons qu'il tient sur le coin de sa table.

     

    9126825865?profile=originalUn exemple de « chancellier du boulier » à l’œuvre… XVe siècle. Britain National Archives, Facsimiles of Irish Manuscripts, volume III, planche xxxvii.

     

    Enfin, vous écrivez que « L’instrument de musique aurait pu être appelé « échiquier », à l’origine, disons, par référence à la table à compter, et la relation au jeu d’échec aurait pu apparaître plus tard en raison de la similitude de nom. Ou, au contraire, la relation au jeu d’échec aurait pu précéder celle à la table à compter. » Vous convenez donc vous-même que les trois types d’échiquiers sont de toutes manières liés par transitivité de par leur forme, et que l’essentiel de votre discussion est hors de propos.

     

     

    Pour résumer :

    1) Vos faits sont inexacts (boîte marquetée, Pythagore, Mersenne...).

    2) Dans votre raisonnement, les mêmes causes n'ont pas les mêmes conséquences (différences visuelles arbitrairement acceptées ou rejetées).

    3) Vous établissez une conclusion qui ne s'appuie que sur des analogies.

    4) Vous vous targuez de détenir une vérité « définitive ».

    Votre utilisation du mot « définitif » – et vos guillemets n’excusent rien – est fondamentalement incompatible avec un discours qui se veut scientifique. Prétendre qu’un sujet est réglé, fixé une fois pour toute et qu’il est inutile d’y revenir est, en plus d’être particulièrement présomptueux, la définition même d’une attitude dogmatique et intégriste. La connaissance évolue, le nier est un non-sens dangereux.

    Tout cela, c'est ce que j'appelle une incohérence épistémologique. De tels « articles « définitifs » » sont la honte de la musicologie, et de la recherche scientifique en général.

    https://storage.ning.com/topology/rest/1.0/file/get/9126825852?profile=original
  • Mes arguments pour penser que le nom de l'instrument vient de l'échiquier à compter, y compris des arguments d'ordre visuel, sont donnés dans mon article article, que je rends public sur Internet pour qu'on puisse éventuellement les réfuter (mes arguments). Dire qu'il s'agit d'une «incohérence épistémologique» n'est pas une réfutation (je ne comprends pas d'ailleurs ce que vous appelez «épistémologique», ici).

    Je n'ai pas écrit que l'«échiquier de Venise (?)» [le (?) n'est pas de moi] n'était pas un échiquier, j'ai seulement dit que je n'en avais jamais vu comme celui-là.

    Un de mes arguments, d'ordre visuel, est que le clavicorde primitif était un instrument à peu de cordes, cinq ou six, toutes de la même longueur. Voyez Pythagore dans l'image de la Margarita philosophica ci-dessus: il est à peu près dans la position d'un clavicordiste, et les lignes de son abaque pourraient sembler les cordes d'un instrument à cordes.

    Voyez aussi la page de titre de ce même livre:

    Reisch.Margarita%20philosophica.1503.title.jpg?width=400Ne peut-on y apercevoir une femme qui joue de la harpe, une autre d'une sorte de psaltérion, et un luth à sa droite? Mais celle qui semble jouer du psaltérion est en réalité Aritmetica, et elle travaille à un échiquier à compter: ne trouvez-vous pas tout cela, visuellement et conceptuellement, de nature à induire une analogie avec l'échiquier instrument de musique?

    Il y a d'autres arguments dans mon article, notamment le fait que Mersenne, écrivant en latin, a appelé le clavier abacus, c'est-à-dire «table à compter».

  • Le plateau d'échecs serait à écarter car visuellement pas réaliste.
    Le boulier compteur serait une hypothèse valable bien que visuellement pas réaliste.
    Ce raisonnement est une incohérence épistémologique.

    Quant à votre affirmation que "l'échiquier de Venise" n'en est pas un, les conservateurs du musée de l'histoire de l'art de Vienne ne sont pas de votre avis.
    https://www.khm.at/en/objektdb/detail/86367/?offset=3&lv=list&a...

  • ...«échiquier» qui nous a valu le nom du Ministre des finances en Angleterre...
    et, j'allais oublier, cet objet si typiquement français qui s'appelle un «chèque», que vous utilisez pour vos achats quotidiens sans vous rendre compte de l'origine du mot !

  • Je ne vois pas grand chose à expliquer... Ce que montre votre miniature, c'est un orgue portatif, avec un clavier à deux rangées de touches mais trois couleurs. C'est une miniature bien connue, avec un clavier d'apparence un peu fantaisiste, qui indique avec une bonne certitude que le miniaturiste n'avait pas vu beaucoup de claviers chromatiques. C'est normal: les premiers claviers chromatiques sont du XIVe s., et ils n'y étaient pas nombreux.

    Vous dites que les touches sont «semblables à un échiquier», mais cela ne me semble pas évident. Les échiquiers, alors comme maintenant, étaient des tableaux carrés à 8x8 cases. La plupart des échiquiers n'ont que deux couleurs, et les échiquiers médiévaux souvent une seule, avec un simple quadrillage. Ce que vous reproduisez comme «l'échiquier de Venise (?)» me paraît être le couvercle (à deux pans) d'une boîte marquetée. En tout cas, mes recherches (anciennes) sur le jeu d'échec à la fin du moyen âge ne m'avaient pas permis de trouver des échiquiers de ce genre.

    Quoi qu'il en soit, comme je l'expliquais dans mon article, le mot «échiquier», dans le cas de l'instrument de musique, renvoyait plutôt au boulier compteur, appelé «échiquier» et qui nous a valu le nom du Ministre des finances en Angleterre, le Chancelier de l'échiquier, qui faisait les comptes de l'État sur un boulier compteur - un peu à la façon d'un monocorde. Voici, ci-dessous, une image de Pythagore au boulier compteur, manifestement un peu perdu, et que Boèce se prépare à secourir (extrait de la Margarita philosophica, 1508): vous voyez ici à quel point cela pouvait être proche de la «musique» médiévale.Gregor_Reisch,_Margarita_Philosophica,_1508_(1230x1615).png?width=400Je ne vois pas bien que dire de plus. Voyez mon article: le lien n'était peut être pas très clair dans mon message précédent, le voici encore une fois: article échiquier

  • Avez-vous une explication sur ce clavier en échiquier d'Aragon ?

    Nicolas Meeùs said:

    J'ai écrit il y a plus de trente ans...

    Leschiquier d'un orgue d'Aragon
    Une pièce du puzzle de l'eschiquier Il est fait référence au début du XIVème siècle dans un livre de la Maison Royale d’Angleterre d'un eschiquier…
  • J'ai écrit il y a plus de trente ans (on ne rajeunit pas) l'article «définitif» sur cette question, «The Chekker», dans The Organ Yearbook, 1985. Vous en trouverez la traduction française ici. Vous y lirez notamment que cette idée de l'échiquier jeu d'échec, pour décrire l'échiquier instrument de musique, vient d'une allégorie de Johannes Gerson, qui décrit le combat symbolique des vices et des vertus sur un échiquier contenant un instrument de musique. Je montre aussi que l'instrument était très probablement un clavicorde.

    http://nicolas.meeus.free.fr/NMOrgano/NMEchiquier.pdf
  • Bonjour,

    rien de nouveau sur ce sujet puisque l'on sait que c'est le joueur d'orgue qui jouait aussi l'Eschéquier

    confère les lancettes de la rosace Nord de la cathédrale du Mans  15èmsiècle , où les deux instrumentistes sont représentés jouant ces deux instruments: ceux étant habillés de la même manière et les visages semblables

    l'un d'eux correspond à la dernière image de ce sujet ( ci-dessus)

    Ceci étant du reste rapporté dans des écrits de l'époque

  • Petite contribution:
    L'Ange musicien de la Rose de la baie 217 du transept nord de la cathédrale du Mans (1430-1435)
    "La chapelle de la Vierge de la cathédrale St Julien  du Mans (Sarthe) est située dans l'axe de la nef, à l'abside de la cathédrale. A l'intérieur, sa voûte présente une vaste peinture représentant des anges musiciens. Elle a été réalisée au XIVème siècle sur la commande de Gontier de Baigneux, évêque du Mans de 1367 à 1385."

    9126791278?profile=original

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