Quand on interroge les manuscrits sur la période précédent immédiatement le Carême, on observe la présence d’une période de dix huit jours, intermédiaire entre le temps qui suit l’Epiphanie et le début du Carême comportant trois dimanches, signalés par les rubriques « in Septuagesima, in Sexagesima » et «  in Quinquagesima » . Cette période, définitivement mise en place dès le pontificat de Saint Grégoire le Grand (590-604) fut certainement considérée comme une préparation prochaine des catéchumènes à la réception du baptème pascal. En effet, à partir de la Septuagésime, est initiée une série de lectures, tirées du Pentateuque, du récit de la Création en passant par la Chute, jusqu’à Moyse et Josué. En fait, c’est une anticipation des récits de préparation immédiate au baptême de la Nuit Pascale, répartie sur sept semaines complètes (jusqu’au 4 ème dimanche de Carême, la fin du Carême étant réservée à la lecture du prophète Jérémie). Notons pour la petite histoire, que le célèbre « Cantemus Domino » du Samedi Saint est lui-même anticipé, sous forme responsoriale, aux matines du Quatrième dimanche de Carême .

FIGURE I

Le répons n'est pas sans rappeler le Trait....

(à suivre)

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Replies

  • Nous conclurons par une brève étude comparative de deux pièces de chant, du double point de vue hispanique et grégorien.

    Tout d’abord, en premier lieu, le répons GREG Alleluia ! Dum præsens est, toujours placé en tête de la série des répons de la Septuagésime. Il est intéressant de le comparer à son « modèle » hispanique qui se trouve sous forme d’antienne à la deuxième partie du Ps 118 (Ant de Leon, fo 106) :

    Alleluia ! Quum venerit imitantur illam et desiderant eam quum reduxerit, et in perpétuum coronata triumphat, alleluia alleluia !

    C’est à peu de choses près le texte de notre répons. Nous les mettons en vis-à-vis :

    9126746866?profile=original

    Si les textes sont proches, les mélodies, pour autant que l’on puisse suivre la neumatique du ms de León, semblent différenciées. Notons d’ailleurs au passage la grande proximité mélodique du répons Alleluia ! Dum præsens est avec celui de l’Epiphanie Illuminare illuminare Jerusalem…ce qui pourrait signifier une composition mélodique indépendante de la source hispanique.

    (a suivre)

  • Il semble bien qu’il faille pas chercher l’origine de l’Adieu à l’Alleluia dans la tradition romaine, qui, sous le pontificat de Grégoire le Grand, voit l’alleluia s’étendre hors le temps pascal, faisant bénéficier chaque dimanche d’un traitement de faveur, « on ne voit pas », ajoute Dom ROBERT, « que la proximité du temps de pénitence ait été une raison spéciale pour faire de la Septuagésime une fête spéciale en l’honneur de l’Alleluia ».

    A l’inverse, à la même époque, mais en sens inverse, la tradition hispanique se met à restreindre l’Alleluia, jusque là chanté durant toute l’année liturgique, même durant la période quadragésimale, selon Dom Louis BROU, éminent spécialiste en liturgie hispanique. Dans ce contexte, bien différent de celui de Rome, le besoin s’est fait sentir de créer un office d’Adieu au dimanche « in carnes tollendas », c’est-à-dire au premier dimanche de Carême, la liturgie hispanique, comme la milanaise, ne connaissant pas la Septuagésime. L’orationnal de Vérone (cod 089), un témoin hispanique du début du VIIIème siècle, permet de connaître avec précision l’office alleluiatique de la fin du VIIème siècle. Pour beaucoup des oraisons de Matines, en effet, l'Orationnal porte l'incipit des antiennes et des répons correspondants, et ce sont, dans l'ordre, ceux que livre deux siècles plus tard l'Antiphonaire de León ms 8, première moitié du Xème siècle. Il est à noter que l’Adieu se prolongeait jusqu’aux secondes vêpres du dimanche.

    La liturgie milanaise, dans laquelle l’abondance d’Alleluia au premier dimanche de Carême résulte principalement d’un privilège de conservation des vestiges d’une liturgie dominicale archaïque, la Pâque hebdomadaire. Au dimanches per annum, les alleluia sont présents, mais d’une manière plus réduite. Au dimanche In carnes tollendas, nous constatons que le thème de l’Adieu à l’Alleluia y est très peu utilisé.

  • L’étude de l'office de la Septuagésime dans la liturgie romaine locale est décevante. Les antiphonaires en provenance des basiliques ou églises romaines,  qui ont été conservés, sont tous postérieurs à l'abolition, à la fin du XIème siècle, de l'usage de l'alleluia dans l'office de la Septuagésime, car les plus anciens remontent seulement au XIIème siècle. Bernold de Constance attribue cette suppression au pape Alexandre II (1061-1073). Effectivement, le milieu du XIème siècle marque la fin de l’unanimité des témoignages en faveur l’Adieu à l’Alleluia. Une réorganisation progressive sera effectuée. Les offices subiront une normalisation progressive.

    A titre d'exemple, le manuscrit Troyes 571, fait cohabiter les répons de l'Adieu à l'Alleluia avec quelques éléments de liste du dimanche suivant (Historia de Genesis):

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    Parfois la fusion est effectuée avec les répons du temps post Epiphaniam, comme dans le ms Rouen 243 (XIème siècle, neumatique française) aux folios 50v/51r:

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    Les répons de psalmis sont conclus "cum alleluia", malheureusement sans indication mélodique...

    L’alleluia finira par ne subsister que par le double Benedicamus Domino pascal en conclusion des premières vêpres. Dans certaines traditions, comme à Wolfenbüttel... où dès le XIème siècle à l'Abbaye de Saint Claude (Jura [Rouen Ms 143]) il disparaîtra...sans laisser de trace!

  • Pour la Septuagésime, signalons un certain désaccord dans la tradition sur le choix des répons et des antiennes accompagnant les lectures du jour (la Création, la Chute et, pour l’Evangile, la parabole des ouvriers de la onzième heure). Le désaccord est patent des premières vêpres aux laudes, mais l’unité est retrouvée à partir de Prime.

    Les manuscrits les plus anciens surabondent en mélodies alléluiatiques des premières vêpres aux laudes. Cette abondance est d’ailleurs confirmée par les anciens Ordines Romani. La déposition de l’alleluia au dimanche de la Septuagésime à partir de prime pour une durée de neuf semaines complètes, c’est-à-dire jusqu’à la Nuit de Pâques, est précédée d’un adieu où l’Alleluia est personnifié !

    Cette personnification s’amplifiera pour générer des paraliturgies. Vers la fin du XVème siècle, on pratiquait encore les funérailles de l’Alleluia dans l’Eglise de Toul - je cite le Mercure de France de décembre 1726 - « cette grotesque cérémonie me fait ressouvenir de celle qui se pratiquoit au même jour dans l’Eglise Cathédrale d’un des diocèses voisins de Paris (en fait l’Eglise de Chartres), où l’on m’a assuré, que pour se défaire de l’Alleluia, le samedi veille du Dimanche dans la Septuagésime, un Enfant de Chœur apportoit à l’Eglise une toupie autour de laquelle étoit écrit Alleluia en belles lettres d’or ; et que le moment tant venu de lui donner congé, le même enfant, le fouet à la main, faisoit aller la toupie le long du pavé de l’Eglise, jusqu’à ce qu’elle fut tout à fait dehors. Cela s’appelait Fouetter l’Alleluia. »

    Cependant, il n’est aucunement prouvé que ces paraliturgies aient bénéficié d’une diffusion universelle.

    Dom Michel ROBERT, dans un Article consacré à l’Adieu (Etudes Grégoriennes , 1967, p. 41) ajoute :

    « On peut être sévère pour ces usages, on peut également en sourire, mais il serait très dommageable, croyons-nous, d’en faire jaillir le discrédit sur l'origine liturgique de l' alleluia clausum. Cet office est beaucoup plus digne d' intérêt qu'on ne l'imagine habituellement; il recèle des éléments archaïques du plus haut intérêt pour l'histoire de la liturgie. »

    (à suivre)

  • Bonsoir, Anton,

    Vous avez raison: à "HONOrificatus" les virgas de Hartker traduisent certainement des DO, mais à mon avis, Hartker donne ici une version évoluée, comme le font parfois les sangalliens (je pense à la COM Videns Dominus !). J'ai préféré suivre Quedlindburg (fo 54r) qui donne des tractuli au même passage, confirmés par les SI de Bénévent 21 (fo 111r) et de Tolède 44-1 (fo 63r).

    Bonsoir, Luca,

    à "aSCENsorem", j'ai suivi Tolède et Bénévent...le SI est logique, anticipant la contruction de "ascenSOrem", pour laquelle le SI est structurel, en quelque sorte...

  • 9126762701?profile=originalDie Restitution scheint mir an drei Stellen den Hartker-Neumen zu widersprechen. Bei enim honorificatus Tractulus - Virgen; bei equum Tractuli und bei protector Tractuli - Salicus. Ich glaube, die Restitution im Nocturnale Romanum (2002) entspricht besser den Hartker-Neumen. 

  • Bonjour, Luca, pouvez-vous en dire plus ?

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