Guy Lobrichon et Marcel Pérès aux Mardis des Bernardins.
Tradition musicale et transmission de la foi
Diffusé le 31/03/2009 / Durée 51 mn
Au long de l'histoire musicale et religieuse des chrétientés d'Orient et d'Occident, comme du judaïsme et de l'islam, artistes et théologiens se rencontrent sur la problématique du caractère central du chant dans la liturgie. Avec l'appel de Vatican II à ce que les artistes et les fidèles prennent en considération tout le patrimoine musical liturgique, un travail de réhabilitation du répertoire a commencé.
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Comments
Certes, il y a des pièces difficiles dans la tradition musicale. C'est pour cela que les ordres nouveaux du XIIe siècle ont fait des choix dans leur répertoire et qu'ils ont rejeté la "fractio" ou l"inundatio vocis" et tout ce qu'ils qualifiaient de "curiositas" en bon prédécesseurs de notre cher Solesmes. N'empêche qu'une antienne aussi difficile que "Collegerunt" est chantée à la procession des Rameaux chaque année par les chartreux. On ne peut pas parler de facilité d'exécution... ni de spécialistes du chant (magari !). Et on pourrait multiplier les exemples, y compris pour les graduels de la messes.J'ai chanté pendant plusieurs années des offertoires grégoriens, et tout l'office de A à Z, y compris l'office de nuit, a capella, sans chironomie et sans le moindre diapason, sans jamais le soutien de la moindre note d'orgue, avec une petite communauté monastique où il n'y avait aucun spécialiste, mais des moines appliqués et pieux qui baissaient, qui se trompaient, avec des offices de nuit de 3 heures dont certains étaient pénibles et d'autres de vraies antichambres du paradis, plus euphorisant qu'une bonne bouteille de fendant. Et ça marchait. Ce n'était ni Solesmes, ni le choeur grégorien de Paris. On aimait ça (sauf un) et on était heureux.
Je reste donc septique vis à vis de votre abjection vis à vis de Solesmes. On ne peut pas les rendre responsable de tout, ni en bien, ni en mal. Ils ont voulu "restaurer" et ils ont "réinventé" dans des temps où les méthodes de l'histoire n'étaient pas les nôtres. Mais ce n'est pas seulement à cause d'eux qu'il n'y a plus de grégorien dans nos églises, ni que certaines façons de chanter ont disparu. Quant André Gouze parle des chantres de son village natal de l'Aveyron, si je ne me trompe, on était après Solesmes et on chantait pourtant encore bien différemment qu'à Solesmes. En Suisse romande où il y a une bonne tradition de chorales paroissiales, il y avait au milieu du 20e siècle des chantres qui "beuglaient" (et sur ce point on ne peut pas les accuser d'imiter Solesmes).
Ne croyez vous pas que ces questions d'"esthétique musicale" sont moins affaire de théorie musicale que d'accord entre un certain genre de vie, une certaine façon de chanter, une culture, une mémoire musicale, toutes choses très différentes d'une époque à l'autre ? Pourquoi les moines germains du 8e s. n'ont-ils jamais pu adopter le chant romain "pur" ? Pourquoi ont-ils inventé le grégorien plutôt que de garder leurs traditions germaniques ? Pourquoi Charlemagne trouvait-il plus beau le chant romain que le chant barabare de ses congénères ? Qui aujourd'hui accepterait le chant d'église du début du XIXe siècle ? C'est pour cela qu'on ne peut pas chanter du grégorien à la mode Solesmes si on ne vit pas d'une manière similaire ? L'inverse aussi est vrai. Demandez aux moines de Fontgombault ou même de la Pierre qui Vire de chanter du Pérès ou comme le choeur grégorien de Paris, et vous videz le monastère en 48 heures. Et j'ai l'outrecuidance de dire que la messe grégorienne de Noël à ND de Paris m'a fait regretter amèrement le grégorien rustique de mon petit monastère alpin, sans doute parce que je suis moi-même rustique. Faisons donc vivre nos traditions musicales, dans leur diversité et leur richesse, mais sans exclusive.
Quand on voit ce qu'était le chant des Chartreux avant que les travaux de Solesmes viennent permettre d'y mettre un peu de vie (oui oui).... Evidemment loin de moi l'idée de chercher à justifier la "pose de voix" (ou plutôt l'absence de voix) caractéristique de Solesmes ou de son école. Mais c'est de tout autre chose qu'il est question ici. En un mot: dès qu'il y a vie commune, il y a dénominateur commun, norme et coutume. Dès lors, la spécialisation du chant est contrainte par des limites sociologiques qui rognent les ailes de la musicologie. Essayez, comme chantre ou comme abbé, d'imposer à une communauté monastique une interprétation musicale nouvelle qui ne soit pas admise de tous. Je vous souhaite bon courage. Aucun principe musicologique ne vous sauvera de l'exclaustration. Amicalement.
2° Pour des raisons spirituelles autant que pratiques, la vie monastique (toutes règles confondues) hait les idiosyncrasies. Ce n'est pas parce qu'une partie du propre est chantée par une scola qu'une certaine uniformité musicale ne devait pas s'imposer. C'est le système monastique qui sécrète cela : renoncement à la volonté propre, primat de la règle, de la norme, exigence de l'uniformité et de l'unica disciplina. Et c'est le monachisme qui a continuellement (ré)formé la musique et le chant liturgique de l'occident latin. Il fallait bien s'attendre à ce qu'il ait de la peine à entretenir les traditions locales, ou plutôt qu'il ait tendance à imposer à tous une de ces traditions. C'est parce que tous étaient censés être aptes à chanter tout l'office, ne serait-ce qu'à tour de rôle, qu'on en est venu à la normalisation dénoncée.
3° Ce n'est pas Solesmes qui s'est imposé (Solesmes est loin de s'être imposé partout), mais le cléricalisme ultramontain qui a utilisé Solesmes comme levier. Si Rome avait défendu les traditions locales on en serait pas là. Le catholicisme romain a inventé la mondialisation bien avant Solesmes... Le problème de fonds est celui d'une certaine ecclésiologie et même de l'anthropologie qu'elle suppose. Critiquer ce qu'a fait Solesmes n'arrangera rien. Il faut prendre acte d'un phénomène historique complexe qui dépasse Solesmes (à commencer par l'erreur historiographique qui consistait à croire que tout venait de Rome) et surtout aller de l'avant.
4° Malheureusement on a jeté le bébé avec l'eau du bain. J'en conviens et je le déplore. Actuellement le problème est double : les traditions locales sont en grande partie perdues et il n'y a plus de pratique populaire du grégorien dans les paroisses (pratique de l'oreille pour la foule et, pour les choeurs, de la voix). Cette perte est entretenue par une conception cléricale simpliste et fausse de la participation active. Comment faire pour les chantres "de bases", non musicologues, dispersés en dehors des centres urbains ? On ne peut pas leur demander des prouesses. S'ils chantent juste, avec une voix bien posée, les textes du propre et de l'ordinaire du missel, c'est déjà extraordinaire. Dans ce cas le grégorien "officiel", sans recherche musicologique mais honnête, est un petit dénominateur qui vaudra toujours mieux que l'infâme bouillie des chansonnettes si tristement "ordinaires". Faut-il le décourager en le qualifiant d'aseptisé et de soporifique? Cela aussi conduira à abolir le chant grégorien.
J’espère n’avoir froissé personne et n’avoir pas enfoncé trop de portes ouvertes, mais il me semblait nécessaire de rappeler ces quelques points pour nourrir le débat.
Quant à Cécile Dumas, elle écrit que son cœur balance entre grégorien éthéré et plain-chant orientalisant... Or le grégorien éthéré - ou soporifique, comme on voudra, style Mlle Lebon - ça existe encore très souvent.
Moi, ça ne m'endort pas : ça m'exaspère ! Car je suis musicien et je crois qu'il n'existe aucun interprète d'aucune musique autre que le grégorien, qui se permettrait de traiter ainsi Beethoven, Schubert ou d'autres compositeurs. Si on les aseptisait ainsi, ça serait absolument ridicule. Ça ne viendrait même pas à l'idée d'un musicien, même le moins doué. Alors pourquoi fait-on cela au grégorien ? Pourquoi ce sirop soporifique qui est au plain-chant ce qu'André Rieux est au répertoire du violon ? Mais bon, il y a des gens qui aiment ce qui est aseptisé, sans saveur, sans caractère ... et en plus qui vous expliquent que c'est propice à la spiritualité : bon, c'est triste, mais on ne peut pas leur interdire. On peut juste proposer autre chose, bousculer un peu les clichés. Ça finira bien par évoluer. Et de ce point de vue là au moins, Marcel Pérès fait un très bon travail.
Et pour répondre à Cécile Dumas, on n'est pas obligé de balancer entre des points de vues aussi extrêmes, on peut tout simplement essayer de faire du grégorien sans tomber dans le soporifique, l'exotique, l'ésotérique, ou que sais-je encore ... Il y a de la marge !!! De nombreuses personnes font de très belles choses.
Je crois que l'un des principaux "clivages" à propos de l'interprétation du grégorien, c'est que trop de monde encore voudrait qu'on le chante standardisé, partout, sous prétexte que c'est le chant propre de la liturgie romaine et qu'il faut l'unité. Mais ça n'a jamais été le cas dans les siècles précédents ! L'unité n'est pas l'uniformité standardisée. Existe-t-il donc une seule musique qui soit jouée pareil par tout le monde ? Monteverdi, Bach, Mozart, Beethoven, Chopin, Wagner, etc ... ?
l'idée même d'interpréter de façon identique la musique est-elle seulement concevable ?
S'il semble indéniable que la démarche de Marcel Pérès soit stimulante et ouvre des voies à l'interprétation, il oublie trop souvent qu'il ne s'agit que d'interprétation, comme son nom l'indique pourtant si bien, et non pas d'une règle sûre qu'il est le seul à maitriser.
Il y avait une seconde partie non enregistrée où les personnes présentes pouvaient poser des questions. Je ne me souviens plus exactement de la question que j'ai posé alors, concernant le façon dont il établissait ses ornements dans ses enregistrements, et la réponse fut vague, non pas qu'il ne maitrisait pas son sujet car Marcel Pérès est quelqu'un de très compétent, mais il lui était impossible de sortir de son postulat alors qu'il est bien sûr très difficile de pouvoir justifier autrement que par un parti pris interprétatif sa façon d'ornementer (en s'appuyant sur les hypothèses formulées à partir de quelques signes distinctifs sur certains neumes).
Entre grégorien éthéré et plain-chant orientalisant à la Pérès, mon coeur balance, mais ce soir, Marcel ne m'a pas convaincu et malheureusement ne m'a pas fait l'effet d'un musicologue prudent, pesant ses mots et utilisant souvent le mot hypothèse.
Qu’il ramène tout ou presque sur son propre travail en oubliant parfois des collaborateurs, des chercheurs, voir des co-donneurs d’idées (que nous connaissons, estimons et dont on lira les noms sur le livre !) est regrettable, mais ceci fait aussi partie de sa personnalité qui lui a permis de réaliser ses projets. Etre présent au monde, être conscient - mots de sa bouche…
J'ai fait le commentaire:
É super interesante quando se estuda os caminhos da música, e principalmente a Medieval.
Vamos encontrar sua ressonância nos cânticos Gregorianos das liturgias sacras dos igrejas das nossas Minas Gerais, Brasil (Sabará, Ouro Preto, Mariana e outras tantas famosas)
C'est superbe interesante quand il s'étudie les chemins de la musique, et principalement le Médiéval. Nous allons trouver sa résonance à les cantiques Gregorianos des liturgies sacrées des églises de notre Minas Gerais, Brésil (Sabará, Ouro Preto, Mariana et autres autant célébrités)