Cela fait quelque temps que je souhaite reprendre cette discussion commencée sur le Forum des Musiques Médiévales : http://www.apemutam.org/forum/viewtopic.php?f=6&t=151
Premièrement voici pour "monachus" (Père Joseph-M. Mercier) le manuscrit original de la transcription que vous nous aviez présentée :
Deuxièmement, je suis tombé sur un folio de manuscrit (fin XVIième) vendu en 2013 avec un Salve proche de celui que l'on appelle habituellement "ton simple", est-ce celui de l'oratoire ou un autre ?
Replies
Xavier Tercelin de Joigny said:
C'est la version des Oratoriens demandé par le fondateur, le Cardinal de Bérulle, à François Bourgoing (de Bourges, car il y en a deux) puisque les jeunes filles et les pauvres dames s'époumonaient avec les mélismes trop compliqués. Il fallait donc faire un chant syllabique : une seule note par syllabe.
On trouve son livre Brevis psalmodiæ ratio ad usum presbyterorum . (1634).. sur Gallica et le Salve à l'adresse :
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k11663659/f193.image
et page suivante
(j'ai essayé de placer la version de F. Bourgoin, mais le système me dit que c'est trop gros !)
C'est cette version de F. Bourgoing qui a été reprise par les moines de Solesmes et spécialement par Dom Auguste Fonteinne (1804 - 1889) chantre de Dom Guéranger qui l'a modifié de façon scandaleuse mais grandiose (comme le dit - de mémoire- Jean de Valois) et que l'on chante aujourd'hui.
A la fin du XVIIe Guillaume Gabriel Nivers a fait aussi une version très chantante spécialement pour les prémontrés, les religieuses de Mont-Martre et pour les demoiselles de Saint-Cyr, mais comme il n'a pas été repris par Solesmes, il n'a pas eu le succès mérité.
Pour voir le Processionale ad usum sacri, et canonici Præmonstratensis, aller sur Google Livres p 22-25 :
http://books.googleusercontent.com/books/content?req=AKW5QacoXjm5C1gQVXl6abKQc3oe_tBfyiq-1B7EG2grGOE1SVmF0heP9Hv2AgrVuoHVwf5zcLT0jqcx6SoN44sgPa7ifOtHrJuF8ZeE_JHMXDKjuuVRbNjoN_MTcpwVX6Fa-xn3992KttLwHp5T-hJGoGNmESG-vKro9-KR_TdtDyQHO98bXI6HsbVMznn2zjn77tZ8Q8esqTsXOyImt1MGxm30_5hq7MNEdCihKSFoy6D7JktwoAzYSlCz5coYrKddZYsOnWBfIWBNSCG5DsUakfE7KWNlV-z0BdkiuaRGdSq1XokPRNQ
Comme Nivers n'a pas eu grâce à Solesmes, il est tombé dans l'oubli complet, même chez les Prémontrés.
Merci beaucoup. J'ignorais qui c'était si tardif.
Ricossa said:
Une information, s'il vous plait: quel serait le plus ancien manuscrit connu avec la melodie "simplex" du Salve Regina?
Auriez-vous une image ou un link pour ledit manuscrit?
Merci beaucoup.
Le Salve est bien de la fin du XIe, et sa rapide "propagation" dans l'Eglise est en partie liée à son adoption rapide par les Cisterciens.
Le texte faisant jusqu’ici autorité, qui attribue à Adhémar (ou Aimar) de Monteil, évêque du Puy, le Salve Regina, provient d’une chronique De la Création du Monde à l’an 1241, écrite par le moine cistercien (justement) Aubri ou Albéric de l’Abbaye des Trois-Fontaines (aujourd’hui en Belgique).
Anno 1130 : Cum beatus Bernardus quadam die venisset apud Divionem et hospitatus fuisset de nocte in abbatia sancti Benigni quam semper dilexit, eo quod mater ejus ibi sepulta est, audivit ante orologium circa altare ab angelis antiphonam Salve Regina etc. dulci modulatione decantari. Primo credidit fuisse conventum et dixit abbati die sequenti : Optime decantastis hac nocte antiphonam de Podio circa altare beate Virginis. Dicebatur autem antiphona de Podio, eo quod Naymerus[1] Podiensis episcopus eam fecerit, et inventum est, quod illa hora, quando antiphona audita est, adhuc conventus dormiebat ; et extunc cum frequenter ad memoriam illam reduceret, audivit eam etiam, ut vulgatum est, circa altare beate Virginis in Claravalle decantari. Unde in quodam generali capitulo Cisterciensi veniam suam accepit, quatenus hec antiphona ab omni ordine reciperetur, quod et factum est[2].
« En l’an 1130, saint Bernard vint à Dijon, et y reçut l’hospitalité dans l’abbaye de saint Benigne. Il aima toujours ce couvent, parce que c’était le lieu où sa mère avait eu la sépulture. Or, dans la nuit, le saint entendit autour de l’horloge [devant l’horloge près de l’autel] les anges qui chantaient et modulaient doucement l’antienne Salve Regina. Il crut d’abord que c’était le chant des religieux de ce couvent, et le lendemain, dit à l’abbé : « la nuit dernière, vous avez très-bien chanté l’antienne du Puy autour de l’autel de la bienheureuse Vierge ». On disait l’antienne du Puy, parce que Aimar l’évêque du Puy, l’avait faite, et il se trouva qu’à l’heure de ce chant, le couvent dormait encore. Depuis ce temps, l’antienne revenait souvent à la mémoire du saint. Il l’entendit encore autour de l’autel de la Vierge bienheureuse à Clairvaux. De là vint que, dans un chapitre général de l’ordre de Cîteaux, il demanda la réception de l’antienne dans tout l’ordre, ce qui fut fait. »[3]
[1] Legendum est : Adhemarus, note de Paul Scheffer-Boischorst
[2] Chronicon ab orbe condito ad annum Christi 1241, Chronique de la Création du Monde à l’an de grâce 1241, Albéric, ou Aubry de Trois-Fontaines, sources manuscrites : BNF, lat. 4896A, Gallica en microfilm en noir et blanc, et Hanovre, Niedersächsische Landesbibliothek, XIII 748.
Edition critique de Paul Scheffer-Boischorst, Chronica a monacho Novi Monasterii Hoiensis interpolata, Monumenta Germaniae Historica, MGH SS23, 1874, p. 631 à 950, l’année 1130 se trouve p. 828, http://www.dmgh.de
[3] Traduction de A. Baron du Taya, (sans doute d’après une autre édition du texte d’Albéric des Trois Fontaines, d’après son autre source manuscrite, conservée à Hanovre, (Niedersächsische Landesbibliothek, XIII 748) par G. W. Leibniz, Alberici, Monachi Trium Fontium, chronicon e manuscriptis nunc primum editum a Godofredo Guilielmo Leibnitio, 1698, Lipsiae, impensis N. Forsteri)
Merci beaucoup pour cette source.
Il serait (d'après la notice de BNF) du tout début du XIIe siècle, ce qui voudrait dire que, quand même l'origine du Salve serait du XIe !
C'est-à-dire avant la fondation de l'ordre cistercien. Mais cette version est bien cistercienne, c'est donc sans doute une version très proche de son origine qu'est la version dite cistercienne.
Un chose étrange est la position du "dulcis", comme si l'on avait gratté quelque chose au-dessus, mais on ne le voit pas.
Dans le pontifical d'Aurillac c'est "celi Maria" Est-ce que cela aurait été le cas ici aussi ?
Dominique Gatté said:
Dans la collection des sources anciennes du Salve, en voici encore un du XIIème siècle, en addition dans un manuscrit de Saint-Pierre de Corbie.
Paris, BNF, Latin 17767, 3r
Il y a 2 mentions seulement au XIIIe siècle du Salve comme "antienne du Puy", l'une, très brève, chez le chroniqueur cistercien Aubri de Trois-Fontaines, qui ajoute "on l'appelle ainsi parce qu'elle fut composée par Aimar (Adhémar) évêque de ce lieu", l'autre dans les Cantigas de Santa Maria, sans parler pour autant d'Adhémar de Monteil.
En ce qui concerne l'analyse musicale de l'origine du Salve, l'article de Marie-Noëlle Colette déjà cité dans cette discussion me semble le plus complet, qui conclut à une origine probable dans la zone large d'influence de St Martial de Limoges, pour l'histoire du texte (et beaucoup de détails sur l'adoption progressive du Salve par différentes congrégations (mais très rapidement par Cîteaux), cet article me semble le plus exhaustif et le plus complet : Dom Henri LECLERCQ, Salve Regina, Dictionnaire d’Archéologie Chrétienne et de Liturgie, V, Letouzey et Ané, Paris, 1950, tome 15, p. 714-725. Il conclut aussi à l'origine ponote de ce chant.
A moins que quelqu'un ait connaissance d'article(s) plus récent(s) qui apporte(nt) du nouveau ?
Merci beaucoup, mais ce qui serait intéressant c'est de connaître vos arguments pour une origine ponote (beau nom pour un habitant du Puy-en-Velay !).
Je pense aussi comme beaucoup que son attribution à Hermanus Contractus semble erronée et abandonnée et que Compostelle est bien loin.
Si partout, à l'époque, on l'appelait : l'antienne du Puy, il y a des raisons.
Cambriels Marie-Virginie said:
Il me semble qu'à la fin du XIIIème, le Salve Regina est déjà une prière très usitée dans toute l'Eglise, et si je plaide pour l'origine ponote du Salve pour deux raisons que je développerai ultérieurement, le fait que le Salve soit en 1275 dans un bréviaire des chanoines du St Sépulcre ne me semble rien montrer de particulier quant à l'origine de ce texte.
Xavier Tercelin de Joigny said: